Tout ne m’intéresse pas sur la planète terre. Tant de choses, comme les jeux de ballon, les célébrations religieuses, le structuralisme, la théorie du genre, les particularités de la sagesse tibétaine et de façon générale, la symbolique, les modèles de voiture, les parcs d’attraction, le végétalisme, l’espéranto, les conversations sur les rock star, la chanson folk et Bob Dylan en particulier, les romans de John Irving et d’Émile Zola, les dessous de la monarchie belge, la vie et l’œuvre de Karl Orff et d’Andy Warhol, les sextoys, la cueillette des simples, les robes de Lady Di, la culture des bonzaï et la fabrication du matériel de fitness, me glacent d’ennui jusqu’à l’os.
Il y a plus de choses que je déteste ou fuis que de choses que j’aime, et la phrase “Je suis humain et rien de ce qui est humain ne m’est étranger” est mon antagonisme absolu. Je me sens grandir, durcir et progresser quand j’éloigne de ma vie des éléments de savoir inutiles ou nuisibles à mon écriture et à mon bonheur. Comme la Bible ou la langue flamande que j’ai pratiquées assidûment pendant dix ans et que j’ai réussi à rejeter dans les extrêmes marges du souvenir, le nombre de choses qui ne sont pas pour moi et que j’écarte, si je peux, de mon quotidien, aurait plutôt tendance à croître. Le travail contre l’ennui, contre l’accoutumance aux choses vaines, est le moteur essentiel de ma vie.
Je tiens pour une faiblesse, et non pour une force, de s’intéresser à tout. J’ai du goût pour l’humanisme, et plus encore pour le stoïcisme, mais je n’ai aucune envie d’être universel. Encore moins, de choyer en moi « la nature humaine ». Être très humain, trop humain, terriblement humain, constitue un modèle qui me paraît effrayant. Chaque fois qu’on entend dire de quelqu’un ou de quelque chose que c’est « tellement humain », on peut être sûr qu’il s’agit d’une bassesse, d’une bêtise ou d’une ignominie. Être un peu moins humain, un peu plus divin, si ce n’était pas une ambition intenable, me tenterait assez.