La recherche du Bien et la recherche du Beau sont étroitement liées. Une vérité qui était évidente pour les Grecs de l’Antiquité, et qui aujourd’hui est méconnue, ou combattue, assez virulemment.
Il est vrai que la recherche du Bien n’intéresse pas grand monde : comment pourrait-elle conduire à la recherche du Beau ? Dans une société où la plupart des gens sont prêts à croire que le Bien est une question de positionnement politique, comment faire entendre que la politique n’est qu’un moyen, largement dévoyé, pour poursuivre des fins qui la dépassent et qui seules comptent ; et que le Bien, à commencer par le bien public, est le but véritable? Comment faire voir que le Beau est une matérialisation du Bien, sa forme sensible, son visage, son signe ?
S’agissant de la politique et des hommes qui la traitent, ce rôle de la beauté est le focus sensible, le réglage rétinien, qui permet de faire un point régulier sur leur capacité à dépasser leurs intérêts personnels ou ceux, toujours un peu suspects, de leur parti. Il faut sans cesse redire à un politicien que son parti, quel qu’il soit, n’a aucune importance objective, et que lui, l’homme ou la femme pour qui nous pourrions voter, doit être le garant, par sa vie, son style, son regard, sa pensée, d’un effort véridique pour chercher le meilleur résultat possible. Ce qui implique, si nécessaire, qu’il soit prêt à agir sans tenir compte des intérêts de son parti, et uniquement dans l’intérêt du bien qu’il est chargé de chercher et de défendre, dans la mesure de ses forces.
Le Beau, c’est cela : cet engagement, ce travail en cours, cet esprit libre, cet appel d’air, cette écoute qui est une action.
Comme le bien n’est pas d’un bloc – soit absolu, soit absent – mais une tendance, un tropisme, dont il faut démêler le sens et la promesse, le beau traduit au grand jour cet effort de justesse et dépassement.
Les humains en général, et les politiques en particulier, portent leur vie sur leur visage – non pas leur vie anecdotique, mais le choix qu’ils font d’eux-mêmes. Peu importe, ici, qu’ils présentent de beaux traits, ou d’affreux, ou de ridicules, ou de bovins, ou de banals : leur beauté, sous cet éclairage, c’est l’esprit.
De toutes les choses, par exemple, qui ont pu être dites sur Donald Trump, celle qui est revenue le moins souvent, le moins clairement, et qui me paraît pourtant la plus immédiatement lisible, est sa remarquable laideur. Ou plutôt, cette laideur est parfois pressentie, mais on ne lui donne pas son vrai nom. On l’appelle vulgarité, ou brutalité, ou mauvais genre, ou vilaine coiffure, ou manque de manières, ou manque de culture. Cela est vrai, mais cela n’est rien. On a vu aussi circuler des photos de Trump à quarante ou cinquante ans, assorties de légendes qui soulignaient qu’à l’époque, il était beau garçon. Beau garçon, avec une âme de boue? Il y a des vues si courtes et si floues qu’elles sont le pire aveuglement.
La ressemblance physique de Donald Trump avec Néron fait bien voir les choses dans leur reflet. La ressemblance artistique aussi, d’ailleurs – Néron avait sa lyre, Donald a ses tweets, et tous deux égrènent avec vanité leurs notes discordantes, sur fond d’incendie. L’ennui supplémentaire c’est qu’avec Trump, l’incendie n’est plus local mais planétaire : et son odeur de soufre est celle des allumettes qu’il ne cesse de craquer.